Santé et bien-être : une simple tendance dans l’architecture d’intérieur… ou une révolution durable ?
“Bien-être”, “sérénité”, “équilibre”… Ces mots reviennent sans cesse dans les magazines déco, les catalogues de mobilier et les briefs clients. Depuis quelques années, la santé et le bien-être se sont imposés comme les nouveaux mots d’ordre de l’architecture d’intérieur. Tantôt présentés comme une aspiration douce, tantôt comme un argument marketing, ils soulèvent une question cruciale :
La santé et le bien-être en design intérieur sont-ils de vraies priorités ou juste une tendance passagère ?
Derrière les slogans se cachent en réalité des enjeux profonds : santé mentale, qualité de l’air, lumière naturelle, confort sensoriel, écologie, psychologie de l’espace. Ce qui semblait hier un “plus” devient aujourd’hui une exigence fondamentale de la part des particuliers comme des professionnels.
Dans cet article, nous explorons comment le bien-être a transformé le métier d’architecte d’intérieur, pourquoi cette tendance est bien plus qu’un effet de mode, et comment créer des espaces qui prennent réellement soin de ceux qui les habitent.
Partie I – Pourquoi le bien-être s’invite dans nos intérieurs ?
1. Une réponse à un monde stressé
Jamais nos modes de vie n’ont été aussi accélérés. Entre surcharge cognitive, surconnexion numérique et instabilité géopolitique, les lieux de vie sont devenus des refuges nécessaires.
Le télétravail a brouillé les limites entre vie pro et perso.
L’urbanisation a restreint notre accès à la nature.
Les troubles anxieux explosent dans toutes les classes sociales.
Dans ce contexte, nos intérieurs deviennent des espaces de régulation émotionnelle, des bulles de respiration. Le design ne peut plus se contenter d’être fonctionnel ou esthétique : il doit apaiser, inspirer, protéger.
2. Une nouvelle conscience des interactions entre santé et environnement
Des études de plus en plus nombreuses démontrent l’impact des espaces sur notre santé physique et mentale :
Une mauvaise qualité de l’air intérieur est liée à des troubles respiratoires, des maux de tête ou de la fatigue chronique.
Le manque de lumière naturelle affecte l’humeur, la concentration et le sommeil.
Des matériaux nocifs peuvent libérer des composés organiques volatils (COV) dangereux.
Ces données transforment la pratique du design : le choix des matériaux, la circulation de l’air, l’orientation de la lumière, l’acoustique deviennent des leviers de santé publique.
Partie II – Bien-être et design : vers une approche holistique
1. Le design sensoriel : renouer avec les cinq sens
Un espace sain est un espace qui parle au corps autant qu’à l’esprit. Trop longtemps, le design s’est focalisé sur l’image, au détriment des autres sens. Aujourd’hui, l’approche sensorielle revient au cœur du processus :
Le toucher : des matériaux doux, chauds, rassurants (bois, lin, velours…).
L’odorat : l’odeur du lieu peut calmer ou stimuler (huiles essentielles, bois brut).
L’ouïe : un bon traitement acoustique réduit le stress sonore (tapis, rideaux, isolation phonique).
La vue : un équilibre harmonieux entre couleurs, lumières et perspectives.
Le goût : une cuisine agréable, pratique, lumineuse… donne envie de bien se nourrir.
Le design multisensoriel est une approche profonde, presque thérapeutique, qui agit subtilement mais puissamment sur le bien-être.
2. La biophilie : faire entrer la nature
Le mot “biophilie” désigne notre attachement instinctif à la nature vivante. Cette approche, aujourd’hui largement adoptée en architecture, repose sur une évidence : la nature nous fait du bien.
Dans un intérieur, cela peut se traduire par :
L’intégration de plantes d’intérieur (purification de l’air, apaisement visuel).
L’usage de matériaux naturels et non traités (bois, pierre, argile).
Une ouverture vers l’extérieur (grandes baies, patios, jardins).
Des motifs inspirés du monde vivant (feuilles, vagues, textures organiques).
Un intérieur biophile réduit le stress, stimule la créativité, renforce le sentiment d’ancrage.
3. L’ergonomie émotionnelle : créer des ambiances propices à l’équilibre
Chaque pièce a une fonction émotionnelle implicite :
Une chambre doit sécuriser, envelopper, ralentir.
Une cuisine doit activer, rassembler, inspirer.
Un salon doit ouvrir à la discussion ou au repli, selon le moment.
L’ergonomie émotionnelle consiste à aménager un espace en fonction des ressentis qu’il doit provoquer. Cela passe par le volume, les proportions, la lumière, le mobilier, la fluidité des déplacements.
Un espace bien conçu favorise l’alignement intérieur.
Partie III – Le bien-être est-il devenu un argument marketing ?
1. L’appropriation commerciale du “feel good design”
À mesure que la notion de bien-être s’est imposée dans le vocabulaire du design, les marques s’en sont emparées :
Couleurs “zen” dans les showrooms.
Capsules bien-être dans les hôtels et spas.
“Greenwashing” autour de matériaux soi-disant naturels.
Le danger : que le bien-être ne devienne qu’un enjoliveur marketing, vidé de sa substance, au service de la vente.
Un vrai projet centré sur la santé et le bien-être ne se limite pas à une ambiance Instagrammable : il implique des choix techniques, un engagement de fond, une compréhension fine des besoins humains.
2. Bien-être et luxe : même combat ?
Il serait tentant d’associer bien-être à luxe : spa, matières nobles, vastes volumes… Mais la vérité est ailleurs. Le vrai luxe, c’est l’espace qui vous comprend.
Un petit appartement bien agencé, lumineux, respirant, éco-conçu peut procurer bien plus de sérénité qu’un grand loft impersonnel.
Le bien-être en design n’est pas une question de budget, mais de cohérence, de mesure et d’intention.
Partie IV – Comment intégrer la santé et le bien-être dans un projet intérieur ?
1. Commencer par écouter
Chaque personne, chaque famille, chaque entreprise a des besoins spécifiques :
Besoin de silence ?
Besoin de lumière naturelle ?
Besoin d’intimité ?
Besoin d’ouvrir l’espace ou de le structurer ?
Le designer doit questionner, observer, ressentir, bien avant de tracer un trait. Le bien-être est subjectif, il s’ancre dans l’histoire, le mode de vie et la sensibilité de chaque client.
2. Travailler avec des partenaires engagés
Le choix des artisans, des fournisseurs, des matériaux est capital :
Bois FSC, peintures sans COV, textiles labellisés.
Fabrication locale ou raisonnée.
Ventilation naturelle ou mécanisée, selon le projet.
Un intérieur sain, c’est un projet collectif. L’architecte d’intérieur devient chef d’orchestre du confort global.
3. Penser l’usage au quotidien
Le bien-être ne doit pas être un concept figé mais un accompagnement dans le temps :
Est-ce que le rangement est intuitif ?
Est-ce que l’on peut aérer facilement ?
Est-ce que le mobilier est modulable selon les saisons ?
Est-ce que la lumière du matin ou du soir est valorisée ?
Un bon design rend la vie plus fluide, plus douce, plus consciente.
Partie V – Le futur du design est-il thérapeutique ?
1. Vers des espaces qui guérissent
Des hôpitaux aux écoles, en passant par les bureaux ou les logements sociaux, la question de la santé environnementale devient centrale. De nombreux pays investissent dans :
La neuroarchitecture (architecture fondée sur les neurosciences).
Le design hospitalier centré sur le rétablissement.
Les espaces de travail régénératifs.
Ces tendances montrent que le bien-être n’est pas un luxe mais un besoin vital.
2. Le design comme outil de transformation personnelle
Plus profondément, un espace bien conçu peut nous transformer intérieurement :
Revenir à soi.
Réduire l’anxiété.
Se reconnecter aux autres.
Mieux habiter le temps.
L’architecture d’intérieur devient alors une pratique sensible, presque spirituelle, qui accompagne les métamorphoses individuelles et collectives.
Conclusion – Bien-être : au-delà de la tendance, un changement de paradigme
Non, le bien-être en architecture d’intérieur n’est pas une simple tendance. C’est une révolution silencieuse qui touche à notre manière d’habiter le monde. C’est un basculement du paraître vers le ressentir, du design comme performance vers le design comme écoute.
C’est aussi une responsabilité : celle de concevoir des espaces respectueux du vivant, du corps et de l’esprit, des rythmes humains, des liens sociaux, de la planète.
Chez Studio SOEL, nous croyons que le design peut être à la fois beau, porteur de sens, et profondément bienfaisant. Car les plus beaux espaces sont ceux qui nous font du bien — durablement.